Rechercher :

Alberto Breccia et Jorge Luis Borges : fictions et illustrations

Alberto Breccia et l’univers Borgésien

Ce cycle de peintures – à ce jour encore inédit – est la dernière œuvre d’Alberto Breccia, achevée quelques semaines avant sa mort. Composé de 21 tableaux à l’acrylique de grand format (environ 50 x 70 centimètres) il devait, dans les intentions de l’auteur, constituer le cœur d’une anthologie illustrée des fictions de Jorge Luis Borges, à qui Breccia vouait une admiration sans bornes.

Breccia s’est concentré essentiellement sur des textes inspirés de faits que Borges avait probablement vécu dans sa jeunesse : le petit peuple des faubourgs de Buenos Aires, les duels, les crimes d’honneur. Tout comme Borges, Breccia avait connu ces hommes et ces femmes et avait été témoin de ces drames et de ces faits de sang au cours de sa jeunesse passée à Mataderos – le quartier des abattoirs – parmi les travailleurs immigrés, les prostituées, les petits voyous et les gauchos qui ramenaient les troupeaux depuis la pampa. Cette mémoire partagée le rapprochait du grand écrivain, rappelait et exaltait ses propres origines, jamais oubliées et présentes dans nombre de ses œuvres. À ce titre, ce cycle de peintures peut – à juste titre – être considéré comme le testament artistique d’Alberto Breccia, l’humble tripier devenu grand dessinateur par vocation et nécessité.

Latino Imparato, le 17 juillet 2011.

L’auteur du site tient à remercier chaleureusement Latino Imparato pour le travail iconographique et la recherche documentaire qui ont été faites. C’est grâce à cela que cette exposition virtuelle sur les derniers travaux d’Alberto Breccia a pû voir le jour.

Historia universal de la infamia (1993)

Tous les extraits proviennent de “Histoire universelle de l’infamie”, Christian Bourgois éditeur, 1993. Trad. de Roger Caillois et Laure Bataillon.

Cliquez sur les images pour les agrandir, puis naviguez avec les flèches droite et gauche du clavier pour faire défiler les photos.

L’homme au coin de mur rose I
El hombre de la esquina rosada I

“On ditait un conte et pourtant l’histoire de cette nuit peu banale commença dans un fiacre insolent à roues écarlates, plein à ras bord de types, qui s’en allait en cahotant par les ruelles de terre battue, entre les fours à briques et les ornières.”

L’homme au coin de mur rose II
El hombre de la esquina rosada II

“On voyait briller maintenant dans sa main droite un couteau qu’il avait tenu jusqu’à la dans sa manche. Tout autour, ceux qui l’avaient poussé, s’étaient écartés peu à peu et tout le monde les regardait tous les deux dans un grand silence.”

L’homme au coin de mur rose III
El hombre de la esquina rosada III

“Je m’en revins tranquillement à mon rancho qui était à quelques pas de là. Une petite lumière brillait à la fenêtre, mais s’éteignit aussitôt.”

Le pourvoyeur en iniquités Monk Eastman
El proveedor de iniquidades Monk Eastman

“Le 2 décembre 1920, le corps de Monk Eastman fut trouvé au matin dans une des rues centrales de New York. Il avait reçu cinq coups de revolver. Bienheureux ignorant de la mort, un chat des plus ordinaires tournai autour, avec une certaine perplexité.”

L’imposteur invraisemblable Tom Castro
El impostor inverosimil Tom Castro

“À Sidney, il fit la connaissance d’un certain Bogle, domestique noir. Bogle, sans être beau, avait cet air serein et monumental, cette solidité d’édifice bien construit qu’à le noir chargé d’ans, de poids et d’expérience.”

La veuve Ching, pirate
La viuda Ching, pirata

“C’était une femme osseuse, aux yeux éteints, au sourire carié. Ses cheveux noirs et huileux brillaient plus que ses yeux.”

 

Le teinturier masqué Hakim de Merv
El tintorero enmascarado Hakim de Merv

“Du fond du désert vertigineux (dont le soleil donne la fièvre et la lune le délire), ils vinrent venir trois formes qui leur parurent immensément hautes : trois formes humaines et celle du milieu avait une tête de taureau. Quand elles furent plus près, ils virent que c’était un masque et que les deux autres hommes étaient aveugles.”

Le rédempteur effroyable Lazarus Morell
El atroz redentor Lazarus Morell

“Il tomba à genoux et je lui tirai une balle dans la nuque. Je lui fendis le ventre d’un coup, lui arrachai les viscères et l’envoyai au fond de la rivière.”

Autres nouvelles de J.L. Borgès

Cliquez sur les images pour les agrandir, puis naviguez avec les flèches droite et gauche du clavier pour faire défiler les photos.

Le Zahir
El Zahir
(extrait de “L’Aleph”, Gallimard, 1967 – trad. de René L-F. Durand)

“Aux heures désertes de la nuit je puis encore marcher dans les rues. L’aube me surprend habituellement sur un banc de la place Garay, en train de penser (essayant de penser) à ce passage de l’Asrar Nama où l’on dit que le Zahir est l’ombre de la Rose et la déchirure du Voile.”

Histoire de Rosendo Juárez
Historia de Rosendo Juárez
(extrait de “Le rapport de Brodie”, Gallimard, 1972 – trad. de Françoise-Marie Rosset)

“Je le blessai au visage d’un coup de couteau, nous luttâmes au corps à corps, il y eut un moment incertain, mais je finis par lui donner un coup de couteau, qui fut le dernier.”

L’intruse
La intrusa
(extrait de “Le rapport de Brodie”, Gallimard, 1972 – trad. de Françoise-Marie Rosset)

“Une soir qu’il rentrait tardivement du bistrot du coin, Eduardo vit le cheval noir de Cristián attaché à la palissade. Dans la cour l’ainé l’attendait dans ses plus beaux habits. La femme allait et venait un pot de maté à la main.”

L’attente
La espera
(extrait de “L’Aleph”, Gallimard, 1967 – trad. de René L-F. Durand)

“Tard dans la journée, il appuyait contre la porte une des chaises et buvait son maté avec sérieux, les yeux fixés sur le liseron du mur de la maison à étagesvoisine.”

Biographie de Tadeo Isidoro Cruz
Biografia de Tadeo Isidoro Cruz
(extrait de “L’Aleph”, Gallimard, 1967 – trad. de René L-F. Durand)

“Cruz jeta à terre son képi, cria qu’il ne tolérerait pas que l’on tuât un brave, car c’était un crime, et se mit à se battre contre les soldats, aux côtés du déserteur Martin Fierro.”

Emma Zunz
Emma Zunz
(extrait de “L’Aleph”, Gallimard, 1967 – trad. de René L-F. Durand)

“Le corps énorme s’écroula comme si les détonations et la fumée l’avaient brisé, le verre d’eau se cassa, le visage la regarda avec étonnement et colère, la bouche du visage l’injuria en espagnol et en yiddish.”

Le mort
El muerto
(extrait de “L’Aleph”, Gallimard, 1967 – trad. de René L-F. Durand)

“Ce cheval fastueux symbolise l’autorité du patron et c’est pourquoi il fait envie au garçon qui en vient aussi à désirer, d’un désir nourri de rancune, la femme à la chevelure de flamme. La femme, le harnais et le cheval bai appartiennent à un homme qu’il veut détruire.”

La mort et la boussole
La muerte y la brujula
(extrait de “Fictions”, Gallimard, 1983 – Trad. P. Verdevoye)

“La nuit tombait quand il vit le mirador rectangulaire de la villa de Triste-le-Roy, presque aussi haut que les noirs eucalyptus qui l’entouraient.”

La forme de l’épée
La forma de la espada
(extrait de “Fictions”, Gallimard, 1983 – Trad. P. Verdevoye)

“J’arrachai une cimetierre à l’une des panoplies du général ; avec ce croissant d’acier j’imprimai pour toujours sur son visage un croissant de sang.”

Le Sud
El sur
(extrait de “Fictions”, Gallimard, 1983 – Trad. Roger Caillois)

“Les clients, à l’autre table, étaient trois : deux paraissaient des valets de ferme, l’autre, dont les traits pesants étaient vaguement indiens, buvait, le chapeau sur la tête.”

Funes ou la mémoire
Funes el memorioso
(extrait de “Fictions”, Gallimard, 1983 – Trad. P. Verdevoye)

“La clarté craintive de l’aube entra par le patio de terre. Je vis alors le visage de la voix qui avait parlé toute la nuit. Irénée avait dix-neuf ans ; il était né en 1868 ; il me parut monumental comme le bronze, plus ancien que l’Égypte, antérieur aux prophéties eu aux pyramides.”

La fin
El fin
(extrait de “Fictions”, Gallimard, 1983 – Trad. Roger Caillois)

“Il essuya son propre couteau ensanglanté sur l’herbe et revint à la maison avec lenteur, sans regarder derrière lui.”

L’homme sur le seuil
El hombre en el umbral
(extrait de “El Aleph, Gallimard, 1967 – trad. de René L-F. Durand”)

“A mes pieds, immobile comme un objet, s’accroupissait sur le seuil un homme très vieux. [...] Le grand âge l’avait usé et poli comme les eaux font d’une pierre ou les générations humaines d’un adage. Il était couvert de longs haillons, c’est du moins ce qui me sembla, et le turban qui était enroulé autour de sa tête n’était lui aussi qu’un lambeau. Dans le crépuscule, il leva vers moi un visage foncé et une barbe très blanche.”

© Héritiers d’Alberto Breccia (pour toutes les reproductions publiées)

3 comments
Leave a comment »

  1. Il est très intéressant de voir comme le travail de Jorge Luis Borges, d’un auteur de sa taille, que ses oeuvres sont bellement illustrées si avec résumés en français.
    Ingrid

  2. @ Ingrid : merci pour votre commentaire.
    Il y a aussi des illustrations d’un autre fameux écrivain, Umberto Ecco, pour “Le Nom De La Rose”
    Elles sont visibles ici :
    http://www.alberto-breccia.net/le-nom-de-la-rose/

  3. Merci pour la richesse incomparable de ses illustrations et l’éclat de ses textes critiques qui encadrent chaque morceau dans son intrigue, le temps historique démontrant leurs motivations et la signification. PRESENTE art en tant que patrimoine de tous, ce beau monde de la forme et la couleur que nous augmente.
    Mariel Palmas

Leave Comment